En France, la chute du pétrole renfloue le portefeuille des ménages et des entreprises
Depuis juin, la baisse des cours de l'or noir est spectaculaire: les prix du brut ont perdu environ 30% et, selon les analystes, ils continueront à souffrir l'an prochain d'une offre surabondante, combinée à une faible croissance de la demande.
Si les pays producteurs pleurent, d'autres rient, comme la France qui avait dépensé 87 milliards d'euros en importations énergétiques en 2013, dont 51 milliards en hydrocarbures, selon l'institut Coe-Rexecode.
Grâce au repli du brut, la facture sera réduite au minimum de 5 milliards d'euros cette année, et de 3,7 milliards pour les seules importations d'hydrocarbures, précise-t-il.
Les automobilistes sont clairement dans les gagnants, assure le président de l'Union française des industries pétrolières (Ufip), Jean-Louis Schilansky.
Le gazole, qui représente plus de 80% des volumes vendus, a perdu 12,5 centimes depuis le début de l'année, atteignant la semaine dernière son niveau le plus bas depuis début décembre 2010. Pour un plein de 50 litres, cela représente une économie d'environ 6,3 euros.Le constat vaut aussi pour l'essence sans plomb. Et ce n'est pas fini: les prix à la pompe continueront de reculer, le récent plongeon du brut n'ayant pas encore été totalement intégré.
D'ici six à huit jours, le prix moyen du gazole en France devrait être sous la barre symbolique de 1,20 euro le litre, prédit le site de comparaison des prix Carbeo.
La baisse serait plus marquée encore sans la dévalorisation de l'euro, qui rend un peu plus chers les achats de barils libellés en dollars, et surtout sans le poids des taxes, qui représentent 52% du prix du gazole et 60% de celui de l'essence.
Insensible à la volatilité de l'or noir, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) augmentera le 1er janvier de 2 centimes/litre pour le gazole, en sus d'une nouvelle taxe carbone sur les carburants.
- Economie dynamisée
Mais il n'y a pas que les automobilistes. Les ménages se chauffant au fioul verront leur facture baisser considérablement et, plus généralement, tous les acheteurs de produits pétroliers, souligne M. Schilansky.
Selon la Fédération nationale des transports routiers, le gain sur l'année se chiffre à 320 millions d'euros. Pour les compagnies aériennes comme Air France-KLM, dont le kérosène est l'un des principaux postes de dépenses, une variation de quelques dollars sur le prix du baril peut faire basculer les résultats entre pertes et bénéfices.
Les utilisateurs de gaz en profiteront aussi, dans la mesure où les prix de cette énergie sont en partie indexés sur ceux du pétrole.
A elle seule, l'industrie (hors énergie) y gagnera 2 milliards d'euros, soit plus que les versements au titre de Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), mesure de relance phare du gouvernement, estime l'institut Coe-Rexecode.
La chimie en est le principal bénéficiaire alors que le baril moins cher devrait affecter les résultats financiers des compagnies pétrolières comme le géant Total au quatrième trimestre, selon l'agence de notation Fitch Ratings.
Les entreprises ont l'opportunité d'améliorer leurs marges, explique Philippe Waechter, chef économiste chez Natixis AM, ce qui à terme pourra se traduire par de nouveaux investissements et des emplois.
Au rang des vainqueurs figure aussi l'Etat français, estime M. Waechter, même s'il perd dans un premier temps des recettes de TVA sur les carburants parallèlement à la réduction du déficit commercial.
Cette baisse du pétrole permettra aux entreprises et aux ménages de consacrer leurs dépenses à d'autres choses, ce qui dynamisera un peu l'économie française. In fine, les rentrées de TVA seront plus importantes.
A la condition toutefois que la situation soit durable - de un an et demi à trois ans. Pour conditionner les comportements, il faut avoir le sentiment, comme lors du contre-choc pétrolier dans les années 1980, que le prix du baril va rester durablement faible.
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