Après la réunion de l'Opep, les prix du brut de pétrole s'effondrent
Après une forte baisse jeudi, dans la foulée de la décision de l'Opep, le baril s'est de nouveau effondré vendredi alors que peu d'opérateurs étaient présent en raison du pont de Thanksgiving aux Etats-Unis.
Le baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en janvier a reculé de 7,54 dollars sur le New York Mercantile Exchange (Nymex) par rapport à la dernière clôture officielle mercredi (jeudi étant férié aux Etats-Unis), pour s'établir à 66,15 dollars, son plus bas niveau depuis 2010.
Le baril de Brent échangé à Londres est passé lui sous la barre symbolique des 70 dollars pour la première fois depuis quatre ans et demi, tombant vers 18H30 GMT vendredi jusqu'à 69,78 dollars le baril sur l'Intercontinental Exchange (ICE) de Londres, son niveau le plus faible depuis le 26 mai 2010.
Face à des prix sans cesse en repli, certains pays de l'Opep demandaient au cartel de réduire sa production pour faire remonter les cours. Mais les pétromonarchies du Golfe, qui ont le plus de marge de manoeuvre financière au sein du cartel, ont dit non. Avec une idée bien précise: endurer des prix bas le temps d'enrayer l'essor du pétrole de schiste, plus cher à produire.
"C'est la victoire de la coalition des pays du Conseil de coopération du Golfe menée par l'Arabie saoudite et le Koweït", explique à l'AFP Christopher Dembik, économiste chez Saxo Banque à Paris.
"Ils ont largement les réserves de change suffisantes pour supporter un baril bas", selon lui.
Par ricochet, cela permet aussi à l'organisation de maintenir sa part de marché, qui se faisait grignoter ces derniers temps par d'autres pays, comme les Etats-Unis ou la Russie.
"Aujourd'hui, il y a beaucoup de concurrents, et l'Opep pompe seulement 30% de la production mondiale", a déclaré le ministre koweïtien, Ali Omair.
A l'avenir, "le rôle clé devrait être joué par les producteurs de pétrole de schiste américain, qui vont faire face à de plus en plus en plus de problèmes avec un baril sous les 70 dollars", selon les analystes de Commerzbank.
Comme "énormément d'exploitations américaines peuvent encore résister avec un baril aux alentours de 60 dollars", selon M. Dembik, "l'idée de l'Arabie saoudite est surtout de dissuader toutes les recherches en cours en Russie et en Chine dans le schiste".
L'AÉRIEN RIT, LE PÉTROLIER PLEURE
Si l'analyste de Saxo pense que les prix vont reculer avant de remonter un peu et se stabiliser, ceux de CM-CIC Securities jugent que "la chute du prix devrait donc se poursuivre au cours des prochains mois, ce qui aura des conséquences fortes sur l'économie mondiale".
C'est "une très bonne nouvelle pour les économies occidentales d'avoir des prix du pétrole qui baissent. Cela génère potentiellement beaucoup plus de pouvoir d'achat que n'importe quelle mesure prise par un gouvernement", analyse pour l'AFP Régis Bégué, directeur de la gestion Actions de Lazard Frères Gestion.
En Bourse, les groupes pétroliers ou parapétroliers se sont faits laminer vendredi, tandis que les compagnies aériennes, grosses consommatrices, décollaient.
Les matières premières ont été mises sous pression, avec des baisses sensibles vendredi des métaux industriels comme le cuivre, l'aluminium, le plomb, le nickel et le zinc.
Dans l'agriculture, les oléagineux servant notamment à la fabrication d'agro-carburant, soja et colza, ont suivi la même tendance que le brut cette semaine.
Certains pays producteurs comme la Russie et le Venezuela vont vivre des moments difficiles.
Vendredi, le rouble continuait sa longue dégringolade alors que la Russie, gros producteur, est déjà accablée par les sanctions occidentales et les fuites de capitaux provoquées par la crise ukrainienne.
Mais "la vraie victime, aujourd'hui, c'est le Venezuela", estime M. Dembik. Un pays dont les finances sont en piteux état.
Régulièrement, la crainte d'un défaut de paiement est avancée par certains commentateurs, mais le ministre des Affaires étrangères Rafael Ramirez a assuré que le budget était "bâti avec un baril à 60 dollars, et nous sommes prêts à faire face".
En zone euro, la nouvelle n'est pas très bonne dans l'immédiat puisque une baisse du brut va contribuer à accentuer les pressions déflationnistes, alors que l'inflation n'a été que de 0,3% en novembre.
Mais les effets réels et durables restent inconnus. "On est entré dans un nouveau paradigme", estime M. Dembik. "Les conséquences de court terme ne permettent pas d'avoir une vision de long terme".