Outre-mer: la grève des carburants entre parenthèses d'ici la reprise de la concertation
Le gouvernement Ayrault a en tout cas marqué un point en faisant paraître mardi au Journal officiel, sous forme de décrets, la réforme du mode de fixation des prix à la pompe, qui ne pourra toutefois devenir opérationnelle qu'avec la prise d'arrêtés ministériels, sur lesquels va porter la réunion du 9 janvier.
Avant la nuit de la Saint-Sylvestre, occasion pour beaucoup de prendre le volant pour aller fêter entre amis le Nouvel An, le retour à la normale s'est fait avec la réouverture des points de livraison, quasiment tous fermés pendant quatre jours.Lundi, pour alimenter les véhicules prioritaires, la préfecture de Martinique avait dû réquisitionner quatre stations, rapidement prises d'assaut par les automobilistes redoutant une pénurie durable de carburant. Quarante-huit heures plus tôt, la préfecture de Guadeloupe avait fait de même pour deux points de ravitaillement.
Le mouvement de protestation était il est vrai très suivi. Le week-end dernier, seules trois stations sur 76 étaient ouvertes en Martinique, d'après un porte-parole des gérants grévistes.
Selon des observateurs locaux, la grève et ses conséquences sur les déplacements quotidiens étaient mal perçues par la population.Ce sont précisément les profits considérables des compagnies pétrolières qui ont été l'un des catalyseurs de la crise sociale de 2009 dans les Dom, ont rappelé treize parlementaires ultramarins, de gauche pour la plupart.
Des arrêts de travail et des manifestations massives, parfois marquées par des violences, s'étaient alors produites en Guadeloupe puis en Martinique pour s'opposer à la vie chère.
Poursuite de la concertation
Après la loi contre la vie chère votée par le parlement dans les mois suivant l'arrivée à l'Elysée de François Hollande, le ministre des outre-mer Victorin Lurel entend obtenir la fixation d'un plus juste prix des carburants à la pompe pour les consommateurs des Dom, selon un communiqué cosigné lundi avec ses collègues Pierre Moscovici (Économie et finances) et Philippe Martin (Énergie).
Les décrets publiés rendent obligatoire la distinction, dans la formation des prix, entre ce qui relève de l'évolution des cours des carburants et les frais (assurance, fret, raffinage, notamment).
Validée par l'Autorité de la concurrence et le Conseil d'Etat, la réforme, qui concerne aussi La Réunion et Mayotte, doit également permettre, selon eux, un renforcement de la transparence sur les coûts et les marges, et une juste rémunération des capitaux investis.
Pour le gouvernement, le manque de concurrence locale entre groupes pétroliers est la principale cause des prix élevés. Y sont surtout présents, et pas dans tous ces territoires en même temps, Total, Exxon, Rubis, Shell. Leurs marges oscillent entre 14% et 21%, selon les départements. Mais ce sont les préfets locaux qui, par arrêté chaque fois, fixent le prix des carburants.
Défenseurs de la réglementation actuelle, datant de 2010, les compagnies pétrolières étaient sorties très mécontentes d'une rencontre avec les pouvoirs publics le 19 décembre, leurs représentant dénonçant un simulacre de concertation. Dans la foulée, les gérants des stations-service avaient annoncé des grèves pour une durée illimitée. Sous la pression des compagnies, selon le président du syndicat des gérants en Martinique, Patrick Collé.
Les professionnels du pétrole en avaient appelé à Jean-Marc Ayrault. Selon le communiqué interministériel, le Premier ministre a demandé aux trois ministres concernés de poursuivre la concertation sur les arrêtés de méthode fixant les modalités d'application du décret, en prenant en compte les préoccupations exprimées par les acteurs de la filière.
Pour les professionnels, qui mettent en avant que la réunion se tiendra à Bercy, cela signifie que Victorin Lurel n'est plus seul aux commandes. Au ministère des outre-mer, on rappelle que la réunion du 19 décembre était déjà interministérielle et que le ministre n'a cessé depuis de redire sa volonté de dialogue. Il n'y a pas de rupture dans la conduite du dossier, ajoute-t-on.
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