Pétroliers, écologistes et éleveurs font cause commune sur les biocarburants
L'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) a en effet proposé le 15 novembre que l'ensemble du carburant vendu aux Etats-Unis contienne au moins 9,20% de biocarburant en 2014. Au total cela représenterait 57 milliards de litres de biocarburant.
C'est la première fois depuis la mise en place des premiers quotas en 2005 qu'ils sont révisés à la baisse: pour 2013, l'agence avait fixé un objectif de 9,74%, soit 63 milliards de litres.
L'administration souhaite aussi limiter le volume minimum de biocarburant à base de maïs à incorporer dans l'essence et le diesel à 49 milliards de litres, alors que selon la loi, il devrait être à 55 milliards de litres.Ces propositions sont soumises à une période de commentaires de deux mois. Et chaque camp affute ses arguments.
La réaction de l'Association nationale des producteurs de maïs (NCGA) a été forte: pour l'organisation, cette mesure peu judicieuse serait dévastatrice pour les familles d'agriculteurs.
L'Union nationale des agriculteurs (NFU) a aussi fait part de sa profonde déception face à cette décision qui fait la part belle à une industrie pétrolière estimant que les biocarburants empiètent sur ses parts de marché. L'administration doit respecter ses engagements visant à lutter contre le changement climatique en exigeant une utilisation plus importante de biocarburant, estime l'organisation.
Mais cet avis est loin d'être partagé, y compris par les défenseurs de l'environnement.
Ainsi pour Sven Teske, spécialiste des énergies renouvelables à Greenpeace International, les biocarburants en soi ne sont pas mauvais, mais l'échelle à laquelle ils se sont développés aux Etats-Unis a plutôt tendance à affecter l'environnement qu'à le protéger. Aussi son organisation ne va pas crier au scandale face à l'abaissement des normes pour les biocarburants.
Mort de l'innovation
Pour l'Union of Concerned Scientists, un influent groupe de réflexion américain sur le climat, le développement d'énergies plus propres ne doit pas non plus se faire en encourageant l'expansion de l'agriculture, en favorisant la déforestation ou au détriment de l'approvisionnement en nourriture.
Parmi les plus fervents soutiens à la proposition de l'EPA figurent d'ailleurs les associations d'éleveurs américains, pour qui la production de biocarburant à base de maïs a accru la demande de la céréale, et donc son prix.
Comme le maïs représente environ 70% de la nourriture donnée aux poulets, et notre poste de dépenses le plus important, la hausse des prix affecte directement les éleveurs et au final les consommateurs, remarque ainsi le Conseil national du poulet (NCC).
La Fédération de l'industrie du pétrole (API) s'est aussi félicitée de cette mesure qui allégerait les obligations liées aux biocarburants.
Pour Jason Bordoff, président du Centre sur les politiques énergétiques mondiales à l'université de Columbia et ancien conseiller du président Barack Obama, la proposition de l'EPA n'est d'ailleurs qu'une conséquence de la réalité de l'infrastructure actuelle du carburant, qui peut difficilement inclure plus de 10% d'éthanol, le biocarburant à base de maïs, sans risquer des coûts cachés. Seule une révolution dans l'industrie des biocarburants de deuxième ou troisième génération pourrait justifier de transformer en profondeur l'infrastructure du carburant, estime-t-il.
En attendant, les producteurs de maïs américain ne sont pas à court terme les plus à plaindre puisqu'au final, ils voient seulement les quotas se stabiliser par rapport à 2012, relève Scott Irwin, spécialiste de l'économie agricole à l'université de l'Illinois. Les plus gros perdants sont, selon lui, les producteurs brésiliens d'éthanol à base de canne à sucre, qui ont énormément investi en espérant que les Etats-Unis augmentent le niveau minimum de biocarburant autre qu'à base de maïs.
L'Association américaine du carburant renouvelable, qui défend les intérêt de ce secteur, redoute d'ailleurs que la proposition de l'EPA conduise à la mort de l'innovation dans le domaine, en dissuadant les potentiels investisseurs.