L'Opep condamnée à réduire sa production pour soutenir les prix
Lors de leur réunion à Vienne mercredi, les douze Etats membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) ont décidé de laisser inchangé le plafond limitant à 30 millions de barils par jour (mbj) leur offre totale.
Un plafond fixé il y a un an mais jamais respecté: en novembre, la production de l'Opep représentait 31,2 mb/j selon l'Agence internationale de l'Energie (AIE).
L'Arabie saoudite continue de compenser la chute de l'offre iranienne, minée par les sanctions internationales en raison du programme nucléaire controversé de Téhéran. Et l'Irak muscle vigoureusement sa production (+20% entre février et novembre).
"Pour l'Opep, rien ne poussait à un changement majeur : le marché est bien approvisionné, et les prix du brut restent à des niveaux très confortables" pour les producteurs, oscillant depuis deux mois autour de 110 dollars à Londres, souligne Bill Faren, analyste de Petroleum Policy Intelligence.
Cependant, "si les pays de l'Opep interprètent mal les besoins réels du marché et ne réduisent pas leur production en fonction, ils pourraient bien faire face à une chute des prix du baril" sous 100 dollars "dans les prochains mois", mettent en garde les experts du Centre d'études énergétiques mondiales (CGES).
De fait, dans un environnement économique morose, hanté notamment par les difficultés de la zone euro, la consommation mondiale de brut devrait croître faiblement en 2013 (+865'000 barils par jour selon l'AIE).
Dans le même temps, la production des pays en-dehors de l'Opep, dopée par le boom des hydrocarbures non conventionnels (le pétrole de schiste) aux Etats-Unis, devrait augmenter de 900'000 barils/jour.
Conséquence, la demande pour le brut de l'Opep se contractera à 29,7 mbj l'an prochain selon les prévisions du cartel (1,5 mbj de moins que leur production actuelle). Face à la surabondance d'or noir, les prix pourraient décrocher, au grand dam des pays exportateurs.
"L'économie mondiale n'est pas très en forme", a reconnu mercredi le secrétaire général de l'Opep, Abdallah El-Badri, appelant les pays de l'Opep à respecter plus strictement le plafond officiel des 30 mbj.
En réalité, pour Torjorn Kjus, analyste DNB Bank, c'est l'Arabie saoudite, principal producteur du cartel (avec 9,90 mbj), qui devrait surtout "limiter son offre pour équilibrer le marché".
"Mais le respect du plafond devrait rester médiocre (...), chaque pays ayant intérêt à vendre le plus de brut possible" pour maximiser ses revenus, tandis que l'explosion de l'offre pétrolière extérieure à l'Opep contrariera tout effort de sa part pour soutenir le marché, tempère Julian Jessop, de Capital Economics, tablant sur un baril à 85 dollars fin 2013.
Déjà, les Etats-Unis, le Canada et le Mexique pompent davantage de brut que l'Arabie saoudite, l'Irak et l'Iran réunis. Les Etats-Unis, portés par l'essor du schiste, pourraient même détrôner dès 2017 l'Arabie comme premier producteur de pétrole, estime l'AIE.
Néanmoins, "les Etats-Unis ne seront jamais une nouvelle Arabie saoudite" et cette dernière devrait continuer de jouer les "faiseurs de prix" sur le marché mondial, juge Michael Wittner de la Société Générale dans une note.
Soucieuse de la santé économique mondiale, "seule l'Arabie saoudite est prête à dépenser de larges sommes dans l'entretien de capacités de production non utilisées, qui lui permettent de grossir rapidement son offre en cas de demande accrue", ce que ne feraient jamais des compagnies américaines, explique-t-il.
"Et seule l'Arabie est désireuse de réduire sa production si nécessaire pour soutenir les cours mondiaux", ajoute-t-il. Précisément ce à quoi elle pourrait se résoudre en 2013.
ds
(AWP / 13.12.2012 10h16)