Le marché du brut a déjà intégré l'embargo sur l'Iran, reste vigilant
L'embargo sur les exportations pétrolières iraniennes, décidé en janvier par l'Union européenne (UE), doit rentrer en vigueur ce dimanche, mais "il ne faut pas s'attendre à une réaction violente des prix du baril, car son impact a déjà été pris en compte", a estimé James Williams, analyste de WTRG Economics.
"Le marché ne va pas se réveiller lundi pour découvrir qu'il y a un embargo", a ironisé de son côté Harry Tchilinguirian, analyste chez BNP Paribas.
Les pays de l'UE, qui achetaient 20% des exportations iraniennes en 2011, "ont déjà pris leurs dispositions ces derniers mois pour s'assurer des sources d'approvisionnements alternatives" et ont donc déjà pratiquement mis fin à leur commerce avec l'Iran, a-t-il expliqué à l'AFP.
"Mais la grande question, c'est comment les sanctions de l'Europe vont aussi affecter les pays asiatiques", a-t-il reconnu.
LA CORÉE SUSPEND
Comme 85% des assurances des transports maritimes de pétrole dans le monde sont européennes, le Japon, l'Inde ou la Corée du sud, qui accaparaient en 2011 à eux trois 40% du brut iranien, subissent une forte pression pour se tourner vers d'autres fournisseurs.
La Corée du Sud a annoncé qu'elle allait "suspendre" ses importations d'Iran à partir du 1er juillet, tandis que le Japon a déjà réduit les siennes de 47% depuis un an.
Au total, en raison des sanctions, les exportations iraniennes ont déjà chuté de 40% ces six derniers mois, soit environ 1 million de barils par jour (mbj), selon l'Agence internationale de l'Energie (AIE).
Autant de barils qu'il faut remplacer: "mais il est plus facile pour les autres producteurs de compenser la perte de l'offre iranienne en raison du ralentissement de la demande mondiale" dans un contexte économique morose, a observé Julian Jessop, analyste de Capital Economics.
Si les sanctions sur l'Iran n'ont pas provoqué de pénurie sur le marché du brut, c'est aussi grâce à un fort gonflement de l'offre de la Libye, de l'Irak mais surtout de l'Arabie saoudite, premier exportateur mondial, dont l'offre dépasse depuis avril le niveau historique de 10 mbj.
Le pays, soucieux de bien approvisionner le marché, a par ailleurs annoncé en mai avoir constitué des réserves de 80 millions de barils à cet effet.
Cette abondance apparente d'or noir, qui a gonflé les stocks mondiaux face à une consommation terne, a contribué à faire dégringoler les cours du baril, qui ont chuté à Londres de 30%, depuis un sommet à 128 dollars début mars.
MARCHÉ VULNÉRABLE À DE NOUVEAUX CHOCS
Mais les risques à plus long terme restent réels: "le surplus de l'offre saoudienne peut être vu comme une simple précaution" anticipant une baisse encore plus prononcée de la production iranienne, ont averti les analystes de Barclays Capital.
De plus, les Saoudiens se préoccupent aussi de leur propre consommation nationale de brut, qui augmente en été de quelque 500'000 barils par rapport à l'hiver pour alimenter leurs systèmes de climatisation, ce qui entame les marges d'exportation du pays, a renchéri Torbjorn Kjus, de DNB Markets.
Enfin, les efforts de l'Arabie pour pomper davantage réduisent d'autant ses capacités de production non utilisées et rendent le marché bien plus vulnérable à de nouveaux chocs.
"Si ces capacités excédentaires de l'Opep tombent en-dessous de 2 mbj, elles ne seront plus nécessairement suffisantes pour faire face à d'autres interruptions imprévues de l'offre de brut" ailleurs dans le monde "et ça rendra le marché nerveux", a souligné Harry Tchilinguirian.
rp
(AWP / 29.06.2012 14h31)