Le brut chute sous 80 dollars, dans un marché inquiet et sous pression
(reprise de la veille)
New York - Le pétrole a terminé jeudi sous le seuil de 80 dollars à New York pour la première fois en huit mois, après avoir perdu près du tiers de sa valeur depuis son sommet de mars, dans un contexte d'inquiétude croissante pour la demande et d'une offre toujours plus abondante.
Le baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en août a plongé jeudi de 3,25 dollars par rapport à la veille et a terminé à son plus bas depuis octobre, à 78,20 dollars.
De même, à Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour même échéance, échangé sur l'IntercontinentalExchange (ICE), a fortement chuté de 3,46 dollars à 89,23 dollars, sous la barre des 90 dollars, à un niveau plus vu depuis décembre 2010.
Alors qu'il y a encore quelques mois, les dirigeants des grandes puissances occidentales s'interrogeaient sur un éventuel recours à leurs réserves stratégiques pour contrer la flambée des cours (le WTI a franchi la barre des 110 dollars en mars), le plongeon actuel n'étonnait qu'à moitié les analystes.
"Il est vrai que c'est assez surprenant de voir à quel point les cours se sont effondrés depuis peu, mais en même temps, la question de la surproduction est critique et les perspectives sont alarmantes pour la demande", a remarqué Andy Lipow, du cabinet Lipow Oil Associates.
Outre des craintes persistantes pour la zone euro, dont les dirigeants peinaient à empêcher une contagion de la crise de la dette, les récents indicateurs économiques des deux côtés de l'Atlantique accentuaient la pression sur les cours du brut.
"Les nouvelles économiques sont de pire en pire", a noté Matt Smith, de Summit Energy (Schneider Electric).
Mercredi, la banque centrale des Etats-Unis (Fed) a fait part de l'abaissement de ses prévisions de croissances pour l'économie américaine et a revu en hausse sa prévision du chômage, alors que l'économie de la zone euro enregistrait sa plus forte contraction depuis trois ans au deuxième trimestre.
"La récession représente la plus grande menace pour les prix du brut", a rappelé James Williams, de WTRG Economics.
Et, "bien que la baisse actuelle du prix du brut pourrait aider la demande", a remarqué Andy Lipow, un nombre croissant d'opérateurs craignent une nouvelle chute des prix à court terme, jusqu'à 70 dollars le baril.
D'autre part, "la situation de surplus sur le front de l'approvisionnement risque de (maintenir) les prix sous pression (baissière)", ont prévenu les analystes de Commerzbank.
Le département de l'Energie américain a fait état jeudi d'un gonflement inattendu des stocks de brut de 2,9 millions de barils lors de la semaine achevée le 15 juin, à un niveau proche d'un record en 22 ans atteint en mai.
Mais, outre une production d'or noir de plus en plus importante aux Etats-Unis, "c'est maintenant au tour de l'Arabie saoudite (le premier producteur mondial de brut, ndlr) et des autres membres de l'Opep de réduire le surplus actuel pour faire baisser les prix", selon Commerzbank.
Plusieurs ministres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) avaient évoqué la semaine dernière, avant une réunion à Vienne, la possibilité de recourir ultérieurement à une réunion extraordinaire du cartel si les prix s'enfonçaient sous 90 dollars le baril à Londres.
"Si les prix tombent sous 90 dollars, nous nous réunirons pour prendre une décision", avait alors souligné le Libyen Abdelrahmane ben Yazza.
"Il est habituel que le président de l'Opep (actuellement le ministre irakien Abdel-Karim al-Luaybi, ndlr) convoque une réunion des ministres si quelque chose d'extraordinaire arrive sur le marché", a expliqué le secrétaire général du cartel Abdallah el-Badri après la réunion.
"Mais nous n'avons pas discuté du niveau de prix (minimum) pour une telle réunion, et nous n'avons pas programmé une telle réunion extraordinaire", a-t-il insisté.
La prochaine rencontre, ordinaire, de l'Opep aura lieu le 12 décembre à Vienne.
rp
(AWP / 22.06.2012 06h21)