Le brut finit sur un bond, à plus de 100 dollars à New York
New York - Le pétrole a été poussé au-dessus de 100 dollars le baril mercredi à New York par une modification du réseau d'oléoducs aux Etats-Unis devant permettre d'écouler vers le sud du pays les abondants stocks de brut pompés dans le nord du pays et les sables bitumeux du Canada.
Ce seuil n'avait plus été franchi depuis début juillet sur le New York Mercantile Exchange. Il a été cassé mercredi à l'annonce par le troisième groupe pétrolier américain, ConocoPhillips, de la vente pour 2 milliards de dollars d'oléoducs. Dans le lot figure le pipeline Seaway, dont il détenait la moitié, une participation valorisée à 1,15 milliard de dollars.
L'acquéreur de cette participation, le canadien Enbridge, a aussitôt indiqué qu'il allait inverser la direction de cet oléoduc de 1078 kilomètres reliant l'Oklahoma (sud des Etats-Unis) au Golfe du Mexique.
A partir du deuxième trimestre 2012, il acheminera l'or noir depuis Cushing (Oklahoma, sud) vers la côte du golfe du Mexique, d'abord 150'000 barils par jours puis 400'000 barils par jour en 2013. Cet oléoduc servait jusqu'à présent à alimenter le centre du pays avec le pétrole pompé dans le golfe ou importé via les ports de la côte.
"C'est un changement important parce que maintenant on va pouvoir déplacer ce pétrole très peu cher, pour faire concurrence aux produits importés", estime Andy Lipow, de la société spécialisée dans l'énergie Lipow Oil Associates, basée à Houston (Texas).
"Il y a 30 ans, quand on importait très peu de pétrole du Canada, on importait le pétrole vers les côtes du golfe et on l'acheminait par pipeline jusqu'à Chicago ou Detroit", dans le nord des Etats-Unis, explique cet expert.
"Depuis une dizaine d'année, on a augmenté nos importations en provenance du Canada. Il est acheminé vers le Sud, le Minnesota, Chicago, Saint-Louis, et maintenant l'Oklahoma, sans être capable de progresser plus bas", ajoute-t-il.
Il sera donc désormais moins cher de transformer le brut de l'Oklahoma, où il s'accumulait, vers les raffineries concentrées sur les côtes du golfe, ce qui devrait permettre de désengorger les stocks accumulés à Cushing, dans l'Oklahoma (sud).
Ce centre de stockage, le plus important du pays, est utilisé pour le brut léger texan, référence du marché new-yorkais. Il se trouve depuis plusieurs années au bord de la saturation.
Dans ce contexte, les prix sont restés depuis un an relativement faibles sur le marché new-yorkais par rapport au Brent échangé à Londres, qui s'est trouvé dopé depuis le début de l'année par les troubles dans le monde arabe et leurs conséquences sur les approvisionnements du marché européen.
L'inversion de l'oléoduc "va contribuer à désengorger le Midwest américain", ont estimé les analystes de JPMorgan.
Pour la banque américaine, l'écart entre les cours du pétrole à New York et à Londres, qui avait atteint 25 dollars pendant l'été, pourrait revenir à un niveau négligeable. Elle a donc relevé ses prévisions de cours, de 97,5 dollars à 118 dollars en moyenne en moyenne.
Ces nouveaux développements reflètent l'évolution du marché pétrolier américain sous l'effet du développement des sables bitumineux de l'Alberta (ouest canadien), troisième réserve mondiale d'or noir. Le premier pays consommateur d'or noir de la planète importe désormais environ 2,5 millions de barils par jour du Canada, cinq fois plus qu'il y a 30 ans.
Ils interviennent aussi alors que le projet de l'oléoduc Keystone XL du groupe TransCanada, visant justement la province canadienne de l'Alberta jusqu'au Golfe du Mexique, a du plomb dans l'aile.
Le département d'Etat avait invoqué la semaine dernière des inquiétudes concernant des zones naturelles fragiles dans les Sand Hills au Nebraska pour remettre à 2013 sa décision sur la construction de cet oléoduc. Le groupe TransCanada a accepté de modifier le tracé de son oléoduc dans cet Etat pour juguler les craintes de l'administration américaine.
rp
(AWP / 17.11.2011 06h21)